Chers amis mélomanes,
Dernier rendez-vous en 2012, le dimanche 2 décembre à 11h à l'Auditorium du Conservatoire de Lille, place du concert,
venez donc vous délecter de musique française. La harpe et la flûte mêleront leurs timbres aux violons, alto et violoncelle pour un concert encore... extraordinaire. Nous terminerons la célébration de l'année Jean Françaix par son quintette. Rappelons que nous vous avons proposé 8 concerts avec la bien jolie musique de ce grand compositeur trop peu joué.
Charles Gounod Quatuor à cordes no2 en la majeur
Marcel Tournier Suite op.34 pour flûte, harpe et trio à cordes
Jacques Ibert 2 Interludes pour flûte, violon et harpe
Jean Françaix Quintette no.1 pour flûte, harpe et trio à cordes
par le Trio Mozaïc,
Céline Haquette harpe, Agathe Bely violon, Amélie Douay flûte
et
Emilie Tison violon, Paul Mayes alto, Claire Martin violoncelle
le programme détaillé préparé par Paul Mayes est à lire ci-dessous
n'hésitez pas à amener vos amis, famille, voisins, plus on est nombreux et plus la musique est belle
tarif 10€ le concert, tarif réduit 6 € pour les demandeurs d'emploi et 12-25 ans, et profitez encore de l'abonnement Liberté : 6 places de concerts pour 48 €
réservations : lesamischambreapart@orange.fr ou +33 607 626 125
en attendant de nous retrouver l'an prochain - le 20 janvier à 11h - vous pouvez consulter le programme de la saison en suivant ce lien : saison 2012-2013
les musiciens et toute l'équipe de Chambre à part vous attendent Place du concert pour partager le verre de l'amitié à la sortie, et vous souhaitent de bonnes fêtes de fin d'année
Ambre Chapart
En mars 1890, la Société des instruments à cordes de Nadaud avait fait entendre un Quatuor en la mineur de Charles Gounod qui fut publié après sa mort sous le n° 3. Par la suite un Petit quatuor en ut majeur eut les honneurs de l’édition mais, sur ce pan méconnu de l’activité créatrice de Gounod il ne reste que le témoignage assez vague de Saint-Saëns dans son article de La Revue de Paris du 15 juin 1897 : “J’étais allé rendre visite (à Gounod) au retour d’un de mes hivernages et je lui demandai ce qu’il avait produit pendant mon absence. – J’ai écrit des quatuors, me dit-il; ils sont là. Et il me montrait un casier placé à portée de sa main. - Je voudrais bien savoir lui répliquais-je comment ils sont faits - Je vais te le dire. Ils sont mauvais, et je ne te les montrerai pas. On ne saurait imaginer de quel air de bonhomie narquoise il prononçait ces paroles. Personne n’a vu ces quatuors: ils ont disparu, comme ceux qui avaient été exécutés l’année précédente”. Malheureusement Saint-Saëns ne précise pas l’année.
En décembre 1993 cependant, à l’occasion d’une vente publique de manuscrits de Gounod, la Bibliothèque Nationale de France s’est porté acquéreur de trois quatuors inconnus: en La majeur, portant le n° 2, en fa majeur, portant le n° 3 et en sol majeur, sans numéro ainsi que d’esquisses plus ou moins avancées. Dans l’état actuel des recherches on peut seulement supposer qu’ils datent de la dernière partie de la vie de Gounod. La dédicace du Quatuor no 2, en La majeur: A mes amis Marisck, Rémy, Van Waefelghem et Delsart le confirme (les trois derniers créèrent le Quatuor avec piano en Sol mineur de Fauré en 1887 à la Société Nationale) et l’écriture un peu tremblée du Quatuor en Sol majeur trahit peut-être une rédaction tardive.
L’existence d’un matériel semble indiquer que ces quatuors inédits ont été exécutés. Quant à ceux que Gounod a caché à Saint-Saëns, peut-être les découvrira-t-on un jour. Quoiqu’il en soit, avec cinq quatuors à son actif, Gounod ne peut plus être considéré comme un compositeur d’opéras qui se replia sur le quatuor à cordes. Loin de se plier de bonne grâce aux exigences de la scène il se cabrait souvent dans sa dignité de musicien offensé par la tyrannie des chanteurs ou des metteurs en scène et, à bout de résistance, faisait des concessions dont la complaisance frise le mépris.
C’est d’ailleurs l’intérêt pour les combinaisons polyphoniques qui a guidé son choix vers le prisme du quatuor à cordes. et l’on remarquera que les quatre instruments sont le plus souvent sur un pied d’égalité. Excepté quelques tournures mélodiques fugitives, rien n’évoque l’univers du théâtre lyrique sinon, paradoxalement, le chromatisme et l’écriture fuguée: qu’on se rappelle le sombre prélude de Faust, page étonnante et qui faisait violence aux habitudes du public, ou les fugato, d’un style si pur, efficacement placés dans des situations appropriées.
Né dans un milieu musical (son père, Joseph Alexis Tournier, était facteur d’instruments de musique et son proche parent, Henry Merckel, fut un violoniste de renom), Marcel Lucien Tournier étudia, comme ses six frères et sœurs, le piano et le solfège au Conservatoire de Paris. Puis, à l’âge de 16 ans, il s’orienta vers la harpe et fut l’élève d’Alphonse Hasselmans, remportant le Premier prix de harpe en 1899. Il étudia également la composition avec Charles-Marie Widor et, en 1909, il remporta le Grand Prix de Rome avec sa cantate La Roussalka puis l’Institut de France lui décerna le Prix Rossini pour sa musique de scène Laure et Pétrarque. À la même époque, il fut harpiste à la Société des Concerts, aux Concerts Lamoureux et à l’Opéra de Paris. En 1912, Gabriel Fauré le choisit pour succéder en 1912 à Alphonse Hasselmans comme professeur au Conservatoire de Paris, où il enseigna jusqu’en 1948.
Interprète, pédagogue et compositeur éminent, Tournier était une figure phare parmi les harpistes et les aficionados de cet instrument. Il ne fut pas uniquement un important défenseur de la théorie et de la pratique de la harpe mais aussi une source d’inspiration pour de nombreux compositeurs, notamment Fauré. Tournier apporta sa propre contribution au répertoire pour harpe avec des compositions qui exploitaient tout le potentiel de cet instrument; explorant sans relâche les possibilités tonales de la harpe, Tournier fit progresser les capacités expressives de son instrument.
La Suite op.34, écrit en 1928 pour le Quintette Instrumental de Paris, révèle bon nombre des qualités associées à la musique française du XXè siècle: des tournures de phrases raffinées, des textures et des coloris limpides. Le mouvement initial, Soir, débute dans une veine plaintive; après une accélération, c’est le retour du calme pour une conclusion pensive. Le second mouvement, Danse, présente une orchestration aussi luxuriante qu’une brise tropicale. Une langoureuse mélodie est confiée à la flûte, mais c’est la harpe qui par sa plénitude donne au mouvement son assise. Le troisième mouvement, Lied, est introspectif et songeur, tandis que le quatrième, Fête, contient des éléments poétiques, tour à tour sérieux et espiègles. L’écriture est compacte et la texture opulente.
Jacques Ibert est né à Paris d’un père commissionnaire en marchandises. Sa mère, Maguerite Lartigue, était une excellente pianiste amateur, élève de Le Couppey et de Marmontel, et avait souffert de ce que son père, haut fonctionnaire des Finances, ait jugé peu respectable pour l’une de ses filles de faire une carrière professionnelle. Ma mère”, raconte Jacques Ibert, “souhaitait me voir devenir un grand violoniste chevelu et romantique. Pour cela, elle décida de m’apprendre mes notes avant même que j’eusse une notion élémentaire de l’alphabet. J’avais alors quatre ans. Après quelques essais violonistiques malencontreux, dus à la fatigue que l’étude de cet instrument imposait à ma santé fragile, ma mère me mit les mains sur le clavier, et, avec une patience et une ténacité admirable, commença à guider mes premiers efforts.”
Jacques Ibert manifesta très tôt des dons d’improvisateur et, dès l’âge de douze ans, il se met à composer en cachette de son père qui craint que la musique ne détourne son fils de ses études classiques.
Après avoir passé son baccalauréat, Jacques Ibert se voit contraint d’entrer en apprentissage au bureau de son père. En même temps à l’insu de sa famille, il s’inscrit pour la modeste somme de un franc par mois à un petit cours de solfège et d’harmonie.
Passionné de théâtre, il suit aussi les cours d’art dramatique et envisage même de devenir comédien mais cette vocation suscitant l’hostilité de ses parents, il décide alors de se consacrer entièrement à la musique.
Élève d'André Gédalge et de Paul Vidal au Conservatoire de Paris, il obtient le premier grand prix de Rome en 1919. Pendant son séjour à la Villa Médicis, il compose l'une de ses œuvres majeures, Escales (1924), un triptyque symphonique évoquant le monde méditerranéen.
Pour gagner sa vie, il donne des leçons, improvise au piano pendant la projection des films dans des cinémas de Montmartre, écrit des chansons populaires et des musiques de danse dont certaines sont publiées sous le nom de William Berty.
La guerre de 1914 interrompt ses études. En 1919, encore sous l’uniforme, et contre l’avis de ses maîtres, il se présente au Concours de Rome (“une blague qu’on ne fait pas deux fois”, dira-t-il) et remporte d’emblée un Premier Grand Prix qui, pour un séjour de trois ans à Rome, lui ouvre les portes de la Villa Médicis dont il deviendra après Berlioz et Debussy, l’un des pensionnaires musiciens les plus marquants. De cette époque datent les Escales qui lui apporteront rapidement une notoriété mondiale. Sa carrière s’est essentiellement déroulée à Rome où il fut directeur de la Villa Médicis (1937-1955), puis en 1955/1956, il cumulera ces fonctions avec celles d’Administrateur de l’Opéra de Paris. Il fut élu à l’Institut de France en 1956.
Dans la lignée de Debussy et Ravel, Jacques Ibert réunit les qualités essentielles du musicien français : clarté, équilibre, verve et élégance. Il se définit cependant parfaitement par ces quelques lignes; “Le mot système me fait horreur et je fais le pied de nez aux règles préconçues. Tous les systèmes sont bons pourvu qu’on y mette de la musique”. Celui qui sera l’un des musiciens les plus indépendants de son temps refuse toute appartenance à un groupe précis. “Ce qui compte en art”, disait-il, “est le plus souvent ce qui émeut que ce qui surprend. L’émotion ne s’imite pas: elle a le temps pour elle”.
Les Deux Interludes pour flûte, violon et harpe, datés de 1946, furent composés comme musique de scène pour une pièce, le Burlador, de Suzanne Lilar, empruntant à celle-ci un parfum XVIIIe siècle: dramatisme léger du premier interlude, Andante espressivo; ambiance primesautière, “frivole”, du second, Allegro vivo.
Jean Françaix vit le jour dans une famille de musiciens. Son père, pianiste et compositeur, était directeur du Conservatoire du Mans où sa mère enseignait le chant. Après des études précoces avec son père, il entra au Conservatoire de Paris dont il reçut un premier prix de piano au sortir de la classe d’Isidor Philipp. A partir de dix ans, il étudia la composition avec Nadia Boulanger laquelle évoque dans ses entretiens avec Bruno Monsaingeon la première fois qu’elle rencontra le jeune compositeur: “Un jour [de 1922], un enfant - Jean Françaix devait venir pour sa première leçon d'harmonie et je me disais: "Comment vais-je m'y prendre?" Cela me tenait éveillée la nuit, je me tourmentais. Lorsqu’il est arrivé, je lui ai dit: "Tu sais, Jean, aujourd’hui nous allons travailler les accords .. - Ah ! oui, comme cela ... " et il me joue l’accord, avec l’air de bébé qu’il avait, car il était vraiment très enfant. Au bout de deux mois, jai dit à sa mère: "Madame, je ne sais pas pourquoi nous perdons du temps à lui faire travailler l’harmonie, il sait l’harmonie. Je ne sais pas comment, mais il la sait, il est né la sachant.”
Sa facilité naturelle pour la composition ne fut pas toujours à l’avantage de Françaix: la saveur ouvertement française de sa musique - abondant en charme simple et en humour communicatif - le fit accuser de légèreté et de manque de substance. Pourtant sa personnalité musicale franche et directe possède de fervents admirateurs. Poulenc appréciait en particulier l’attention qu’ils accordaient aux tendances musicales modernes. Si Messiaen jouait un rôle primordial de par le développement de son langage harmonique, Françaix s’illustrait (selon les termes de Langham Smith) par “l’air authentiquement français qu’il avait insufflé dans le néoclassicisme du début des années 1930.”
Le Quintette pour flûte, trio de cordes et harpe fut créé le 24 mai 1934 par le Quintette instrumental de Paris. Arthur Hoérée décrit ce Quintette “comme de l’eau pure qui jaillissait de sa source avec la spontanéité gracieuse de tout ce qui est naturel.” Dans l’Andante tranquillo, la touche délicate de Françaix marque la douce cantilène de la flûte parée des nuances pastelles parfumées des cordes fermement ponctuées par la harpe, et dans le Scherzo, le rôle distinct de chaque instrument. En outre, un lyrisme chaleureux caractérise le début de l’Andante, avant que la flûte et la harpe n’entrent pour le plein développement. Un court Rondo conclut l’œuvre dans une humeur d'exubérance contagieuse et insouciante.