Ce dimanche, un condensé caractéristique de la programmation de musique de chambre de Chambre à part depuis 5 années. Un grand concert de quatuors à cordes, accompagnés d'instruments moins fréquents, comme la harpe ou la flûte. Joseph Haydn, Franz Schubert et Jean Françaix pour des voyages divers. Lisez ci-dessous le programme détaillé préparé par Paul Mayes.
Oui cinq ans et plus de 80 concerts le dimanche à Lille. Une aventure à laquelle vous participez fidèle public et public fervent. Merci et la meilleure façon de vous le dire est encore de continuer...
La prochaine et 6e saison débutera le 30 septembre, puis le 14 octobre, 10-11 novembre (un week-end à réserver)... tous les détails sur le site de Chambre à part en juillet.
Dimanche 3 juin à 16h à l'Auditorium du Palais des Beaux-Arts de Lille,
Franz Schubert Quatuor à cordes en ré majeur, D.94
Schubert arr. Françaix 4 Moments musicaux et Impromptus arrangés pour flûte, harpe et trio à cordes
Jean Françaix Quatuor à cordes
Joseph Haydn Quatuor à cordes op.76 no4, “Lever de soleil”
Céline Haquette harpe Amélie Douay flûte
Alexandre Diaconu violon Paul Mayes violon
Dominique Huybrechts alto Emilie Stahl violoncelle
tarif 12€ le concert, tarif réduit 6€ pour les demandeurs d'emploi et 12-25 ans
réservations : lesamischambreapart@orange.fr ou +33 607 626 125
billetterie au sous-sol directement à l'entrée de l'auditorium
venez dimanche pour finir la saison en beautés
Ambre Chapart
Une enfance de choriste, d’altiste, de violoniste et de pianiste façonnent l’esprit de Franz Schubert dans une société viennoise dont la bourgeoisie ne peut vivre sans ses Haus musike familiales. Le sens du cantabile, de la voix, dominent les quinze quatuors, et l’infinie variété des climats et des couleurs font surgir, pages après pages, la vision d’un homme fragile dont le pressentiment d’une fin proche attise la valeur testamentaire de cette intégrale. On ignore tout des circonstances entourant la composition du Quatuor n° 7 en ré majeur (D. 94); il fut achevé en 1814, mais peut-être esquissé dès les années 1811-12. Seule une infime partie des œuvres de Schubert fut publiée de son vivant (un seul des quatuors à cordes). L’histoire des manuscrits posthumes est extrêmement difficile à débrouiller: nombre d’entre eux restèrent des dizaines d’années livrés à la poussière sur les rayons des héritiers et des éditeurs, d’autres passèrent par des voies obscures de collectionneur en collectionneur pour devenir la propriété d’institutions publiques. Le Quatuor en ré majeur offre un bon exemple de ces cheminements: de la possession de Ferdinand Schubert, frère de Franz et légataire principal des œuvres posthumes, il passa en 1857 entre les mains de Franz Xaver Petter à Vienne, vers 1866 entre celles d’un certain professeur Wagener de Marbourg puis devint la propriété d'Alfred Wotquenne, à Bruxelles, avant d’arriver enfin, après avoir fait étape chez le libraire musical berlinois Leo Liepmannssohn, à la Bibliothèque Municipale de Vienne (1905).
L’estimation de la valeur musicale des premiers quatuors à cordes de Schubert est des plus variées chez les divers spécialistes schubertiens ; là encore ce quatuor constitue un excellent exemple. On a dénoncé, en effet, la structure peu cohérente de son premier mouvement, Allegro, et déploré le caractère quasi improvisé de son développement. Par contre, d’après Walter et Paula Rehberg : “La forme s’est assouplie et l’harmonie infiniment diversifiée au profit d’une langue musicale plus libre, plus riche de fantaisie. Le développement offre, au sein de quelques mesures seulement, d’audacieuses digressions parcourant les diverses tonalités. Le thème de cinq mesures (!) du second mouvement (Andante con moto), une merveilleuse inspiration, est du plus pur Schubert.” Le Menuetto suivant (Allegro en ré majeur) n’est pas sans présenter une affinité avec le trio du Scherzo de la Deuxième Symphonie de Beethoven, alors que le trio (en si bémol majeur) est une sorte de Landier plus léger et souriant, avec son thème chromatique introduit par l’alto. Le Presto final réaffirme le ton de ré majeur : c’est un rondo à 2/4, d’une vitalité haydnienne, concluant agréablement cette partition.
L’unique quatuor à cordes de Jean Françaix, écrite en 1934, est une musique virtuose qui s’inscrit dans la tradition toute classique des divertimenti et sérénades dont la clarté du texte musical laisse à l’auditeur le plaisir d’entendre chaque voix, ainsi que leur jeu d’ensemble autour des thèmes souvent brèves et efficaces. Son but est, tout à tour, de réjouir et d’émouvoir, sans que les subtilités d’écriture ne puissent se faire oublier.
Dédié à ses parents, et indirectement à sa future épouse, ce quatuor résume les espoirs qu’y mettait le compositeur: “J’avais vingt-deux ans, j’étais extrêmement gai ... mais je commençais à être amoureux. C’est pourquoi ce quatuor oscille entre l’humour et la tendresse. Je forme le vœu qu’il n’ait point vieilli, car plus je vieillis, plus je chéris l’humour et l’amour”. Et encore: “Le Quatuor à cordes est peut-être la formule la plus noble de la musique. D’abord parce que la famille des instruments à cordes est la base de notre art. Par ces temps de saxophones, [que le compositeur a pourtant plus d’une fois servi dans son œuvre] de guitares électriques et de synthétiseur, il n’est pas inutile de le rappeler. Mais pour le compositeur, il est très difficile à manier. Aucune tricherie ne lui est possible ... Face au quatuor à cordes, le compositeur doit payer cash, trouver de beaux thèmes et savoir les développer.”
Ce quatuor, qui figure donc parmi ses premières compositions, a valu à Jean Françaix le prix de la musique de chambre de Marseille et a été créé par le quatuor Calvet.
Le quatuor à cordes en si bémol majeur op.76 no4 de Joseph Haydn, dit “Lever de soleil”, tire son surnom (originaire d’Angleterre) de ses premières mesures, l’un des plus extraordinaires débuts de tout le répertoire de chambre. L’opus 76 de 1797 forme, avec l’opus 20 de 1772 (un quart de siècle exactement les sépare), les deux plus prestigieuses séries de quatuors de Haydn. Le climat général des six Quatuors op.76 fut admirablement cerné par Rosemary Hughes comme autant de “chants d’expérience”, observation qu’on peut rapprocher de ce passage du journal de Delacroix (21 février 1847): “Quatuor d’Haydn, des derniers qu’il ait faits. Chopin me dit que l’expérience y a donné cette perfection que nous y admirons”. Ces ouvrages concentrent en eux l’enseignement de toute une vie, mais découvrent toujours de nouveaux horizons. On n’a jamais connu leurs autographes, et leur plus ancienne mention se trouve dans une lettre du diplomate suédois Silverstolpe, en poste à Vienne de 1796 à 1803, datée du 14 juin 1797. Peut-être Haydn commença-t-il à travailler à cet opus dès 1796, ais l’année 1797 est plus probable, pour la composition de l’ensemble, puisque le n°3 en ut (l’Empereur) ne put être entrepris avant la fin janvier 1797, date de l’achèvement de l’hymne impérial Gott erhalte. Les Quatuors op. 76, la dernière série de six menée à bien par Haydn, ont été composés en même temps que la Création et se situent donc deux ans après la dernière symphonie (no 104 dite Londres, de 1795). Le dédicataire fut le comte Joseph Erdödy. Ils parurent en 1799 chez Artaria, les trois premiers comme op.75 en juillet et les trois derniers comme op.76 en décembre, dans l’ordre passé à la postérité. La correspondance entre Haydn et Artaria indique qu’il s’agit d’un ordre authentique. Toujours en 1799, Haydn envoya ces quatuors à Londres, où ils parurent chez Longman, Clementi & Co en deux livraisons (“Opus 76” et “Opus 76 Livre 2”), annoncées dans le Times les 19 avril 1799 et 7 janvier 1800 respectivement.