onlviola

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Emouvant baroque : le Combat de Tancrède et Clorinde de Monteverdi

Chers amis mélomanes,

encore un concert exceptionnel, et je ne trouve plus de superlatif adapté...venez pleurer d'émotion en entendant les chefs d'oeuvres éternels de Monteverdi : le lamento d'Arianna et le Combat de Tancrède et Clorinde

Chambre à part en partenariat avec la Chapelle des Flandres vous propose un concert baroque somptueux,

le dimanche 6 novembre à 11h au Conservatoire de Lille (place du concert), programme détaillé ci-dessous

venez nombreux et amenez vos amis, ils pourraient vous reprocher de ne pas leur avoir dit...

comme d'habitude on pourra partager nos émotions avec les musiciens autour d'un verre à la sortie

réservations : lesamischambreapart@orange.fr ou +33 607 626 125

vous pouvez voir toute la saison 2011-2012 ici : saison 2011-2012

et notez les prochains rendez-vous, le 20 novembre à 11h au Conservatoire, le trio Una Corda dans Brahms et Finzi, le 27 novembre après midi au Palais des Beaux-Arts, "les beaux Serges", 2 concerts autour des quatuors de Prokoviev et Rachmaninov, par le quatuor Kryptos et les musiciens de l'ONL.

Ambre Chapart

 

Claudio Monteverdi Lamento d’Arianna

Gian Francesco Malipiero   Quatuor à cordes no 3 “Cantàri alla Madrigalesca”

Ildebrando Pizzetti  3 Canzoni pour soprano et quatuor

Claudio Monteverdi Il Combattimento di Tancredi e Clorinda
    
Les chanteurs de l'ensemble Biscantor :
   Clorinda : Juliette de Massy  
   Tancredi : Clément Debieuvre  
   Testo : Emmanuel Hasler  

Ken Sugita  violon   Paul Mayes violon  Christelle Hammache  alto  Catherine Martin  violoncelle   Bérengère Schlepper  contrebasse  François Grenier  clavecin   Olivier Labé  théorbe

Clavecin fourni par  Atelier David Boinnard facteur de clavecins, 82 rue de Bouvines, 59790 Ronchin  03 29 70 76 27

 

Commandée à Claudio Monteverdi par le prince Vincenzo Ier de Mantoue, la composition et la Monteverdi.jpgcréation de l’Arianna, sur un poème d’Ottavio Rinuccini, s’accompagnèrent de circonstances tragiques : le 10 septembre 1607, Claudia, l’épouse du compositeur, meurt, laissant Monteverdi avec deux jeunes enfants. L’œuvre est composée rapidement, durant l’hiver 1607-8, en trois mois tout au plus. S’engagent alors cinq mois de répétitions, intérrompus le 9 mars 1608 par la mort brutale de la chanteuse principle, Caterina Martinelli (la Romanina), jeune prodige âgée de 18 ans, plongeant les préparatifs dans une « grandissima confusione ». La remplaçante trouvée d’urgence, Virginia Ramponi, dite la Florinda, fit pourtant merveille dans le rôle, apprenant sa partie parfaitement par cœur en six jours, et la chanta « avec tant de grâce et de sentiment que tous ceux qui l’entendirent s’en émerveillèrent » (Antonia Costantini).
L’opéra fut créé à Mantoue, le 28 mai 1608 : « La représentation de cette fable a duré deux heures et demie. L’opéra en lui-même fut très beau (…) et tout fut interprété par des chanteurs et des chanteuses plus qu’excellents. Le Lamento que chante Arianna sur son rocher, quand elle a été abandonnée par Teseo, fut particulièrement merveilleux et joué avec tant de sentiment et de compassion qu’il ne s’est trouvé aucun auditeur pour n’être alors apitoyé, ni aucune dame qui n’ait versé quelques larmes à cette plainte » (Federico Follino).
L’œuvre fut rejouée à plusieurs reprises mais ne fut pas imprimée, et la partition originale disparut dans l’incendie de la bibliothèque ducale lors de la guerre de succession ouverte à la mort du duc Vincenzo II en 1627. Seule la scène centrale, connue sous le nom de Lamento, extrait de la 6e scène de cet opéra qui en comportait huit, est conservé par trois versions. Le monologue dramatique, qui se présente comme un récit continu à 2 voix (chant et basse chiffrée), a été préservé par deux éditions pirates parues simultanément en 1623. Ces éditions ne comportent pas les répliques du chœur (connues par le texte de Rinuccini, qui a survécu) qui séparaient les 5 sections de la scène, la commentant comme dans une tragédie grecque. L’accompagnement se présente comme une simple basse, sobrement chiffrée, alors que plusieurs témoignages évoquent clairement la présence de nombreux instruments. Monteverdi lui-même en a repris et réélaboré par deux fois la musique : à cinq voix en 1614 dans le VIe Livre de Madrigaux, et en version monodique sacrée en 1640 dans la Selva morale e spirituale.

La première représentation d’Il combattimento di Tancredi e Clorinda (Le combat de Tancrède et de Clorinde) eut lieu lors du carnaval de Venise de 1624 chez le sénateur Girolamo Moceningo, protecteur du musicien. Reprenant un extrait de La Jérusalem délivrée du poète Le Tasse, il est inclus secondairement dans son huitième et dernier livre de madrigaux, dit Madrigali guerrieri e amorosi (madrigaux guerriers et amoureux) publié en 1638.
L’orchestre est réduit à un clavecin, quatre violas da brazzo (soprano-alto-ténor et basse) et une contrebasse de gambe. Le narrateur (Testo) raconte le combat de Tancrède, preux chevalier, contre Clorinde, une belle musulmane dont il est amoureux, déguisée en soldat. Tancrède, après un duel acharné, la transperce de son épée. Son dernier souffle exprime sa nouvelle foi au dieu chrétien et elle pardonne à son agresseur. Il la reconnaît, devient ivre de douleur. Elle expire, apaisée.
L’aspect dramatique et théâtral du madrigal est une relative nouveauté, renforcée par les indications scéniques du musicien, l’alternance de périodes tranquilles (molli) et agitées (concitati), les suggestions musicales du fracas des armes. Monteverdi précise dans son introduction que l’œuvre devra être précédée d’un madrigal sans geste et que le début du combattimento doit être inattendu, les protagonistes - dont il détaille des éléments de costume - devant arriver à l’improviste. Le Testo est présent dans la presque totalité de l’œuvre, les rôles de Tancrède et Clorinde étant réduits à quelques répliques seulement.

Malipiero.jpgGian Francesco Malipiero est né à Venise dans une famille aristocratique et musicienne. Il poursuit ses études musicales au Conservatoire de Bologne, et c’est là qu’il découvre dans la Bibliothèque Marciana des pages oubliées de Monteverdi, Frescobaldi et tout un ensemble de partitions qui vont non seulement engendrer une activité musicologique intense mais enrichir sa formation et influencer son esthétique. Malipiero gagne Paris en 1913 : il est fortement impressionné à la création du Sacre du Printemps de Stravinski, et découvre également Debussy et Ravel. Mais la guerre l’oblige à regagner l’Italie et il vivra à Asolo, près de Venise, jusqu’à la fin de sa vie. Outre son activité prolifique de compositeur (y compris une trentaine d’opéras et 14 symphonies) et son poste de professeur de composition au Liceo Musicale Benedetto Marcello de Venise, Malipiero dirige une édition de l’œuvre complète de Monteverdi en 16 volumes entre 1926 et 1942, ainsi que des éditions de la musique de Vivaldi, Galuppi, Lotti et Marcello.
Avec Respighi, Pizzetti, et Casella, Malipiero a initié, au début du 20ème siècle, un retour à la musique instrumentale italienne. Dénonçant l’omniprésence et l’usure du mélodrame vériste, il cherchait son inspiration dans l’âge d’or de la musique italienne du 17ème 18ème siècles, perverti à son idée pendant le siècle suivant au profit d’un opéra aux ficelles un peu trop voyantes, “avec ses décors de papiers peints, parenthèse éphémère qui ne pourra jamais entraver la renaissance musicale d’un pays qui a un passé glorieux” (Malipiero). A la volonté de Debussy et du Groupe des Six de se libérer de l’emprise wagnérienne répond celle de cette génération de musiciens italiens pour s’affranchir de Verdi et du vérisme. Malipiero évoquant sa jeunesse affirmait avoir eu “le sentiment de vivre dans un désert musical”.
Il s’imprégnait alors d’autres courants découvert à l’étranger, puisant aussi bien dans des racines profondes du passé que dans la musique populaire traditionnelle : c’est l’époque du néo-classicisme auquel se rallient justement aussi bien Debussy (Rameau), Ravel (Couperin), Stravinski (Pergolèse) que Busoni (Bach), ainsi que du nationalisme de Bartók, Kodaly et Vaughan Williams.
Malipiero admirait profondément Debussy (“Debussy, c’était Dieu!” s’exclamait-il), mais dès la préface de son premier Quatuor à cordes, Malipiero déclare vouloir s’affranchir du style “d’une forme de composition musicale qui dès sa naissance fut classique, tandis que les ressources sonores dont disposent les instruments qui forment un quatuor à cordes sont infinies et peuvent très bien permettre de s'échapper de l’atmosphère de la musique de chambre pour respirer l’air libre des rues et de la campagne.”
De ce fait, Malipiero casse le moule de la structure classique. Il écarte la forme sonate au profit d’une écriture quasi improvisée, refuse toute idée de développement, rejette l’alternance des quatre mouvements traditionnels pour ne s’en tenir qu’à un seul. “Malipiero” remarque Harry Halbreich, “fut un indépendant, très vite sorti du post-romantisme, ne s’attardant pas davantage dans l’impressionnisme, et pourtant conservant de la grande leçon de Debussy le goût de la liberté poussé jusqu’à la fantaisie, de la clarté et de la concision, enfin d’une harmonie savoureuse et raffinée allant se régénérer aux sources modales, tant du chant grégorien que de la musique de la Renaissance. Longtemps fidèle à un diatonisme modal d’ailleurs non dépourvu de dissonances parfois assez rudes, le langage musical de Malipiero, toujours axé sur un contrepoint mélodique aussi souple que riche d’imprévus, s’enrichit sur le tard, à partir de 1954 environ, de matériaux nettement plus chromatiques, allant jusqu’à l’utilisation (mais sans esprit de système) de structures dodécaphoniques.”
Le 3ème Quatuor à cordes, Cantàri alla Madrigalesca (écrit en1931), se garde bien de tout développement thématique dans un mouvement unique où alternent très librement tempi lents et tempi rapides. “Les Cantàri alla Madrigalesca”, précise Malipiero, “ne sont autres que la sonorité des instruments à cordes qui chantent: ils chantent en jouant, et le caractère madrigalesque résulte spontanément de leur expression.”
 
Fils d’un professeur de piano, Ildebrando Pizzetti a suivi sa formation musicale au conservatoire de Pizzetti.jpgParmes et entreprend une étude de la musique italienne des XVème et XVIème siècles avec Giovanni Tebaldini. Il rencontre l’écrivain Gabriele D’Annunzio en 1905 et s’est fait connaître par la musique de La Nave (le bateau, écrit par ce dernier), dont la première exécution eut lieu à Rome en 1908. La même année Pizzetti a obtenu le poste d’enseignement d'harmonie et contrepoint au conservatoire de Florence, qu’il a dirigé de 1917 à 1923. Après avoir composé la musique pour le drame La Pisanella d’après Gabriele D’Annunzio, la Messe de Requiem et d'autres compositions importantes, il est devenu directeur du conservatoire de Milan en 1924, poste qu’il a laissé en 1936 pour prendre la position de professeur de composition de l’Académie nationale de Sainte-Cécile à Rome. En 1939 Pizzetti a été nommé Académicien d’Italie et en 1949 il a pris la direction de l’Académie nationale de Sainte-Cécile.
Sa quête d’un renouveau de l’opéra italien, basé sur l’idée d’un équilibre absolu entre les mots et la musique, l’amenait à développer un arioso souple, d’après Wagner, Debussy et Moussorgsky, tout en rappelant la monodie florentine. Ses principales réussites dans ce genre étaient ses deux premiers opéras, Fedra and Debora e Jael (1915 et 1922) et, surtout, la tragédie Assassinio nella cattedrale (Meurtre dans la cathédrale) d’après T.S. Eliot, de 1958. Pizzetti fut aussi directeur de la section Musique de la Enciclopedia Italiana (1925-37). Très respecté et influent dans son pays comme compositeur, chef d’orchestre et critique musical, son style est néanmoins resté conservateur, même s’il s’est associé un temps avec Alfredo Casella, représentant de la nouvelle musique italienne. Avec Respighi et d’autres, il a même signé un manifeste notoire du 17 décembre 1932 dans lequel il attaquait les tendances progressistes de l’époque en recommendant un retour aux valeurs traditionnelles.
En 1926 Pizzetti choisit donc la poésie populaire italienne pour les Tre Canti, des textes plutôt compliqués, narratifs, et à l’opposé de la poésie conventionnelle. Pizetti choisit en outre une solution courageusement innovante pour les mettre en musique : d’abord il choisit le quatuor à cordes en accompagnement (Respighi avait déjà adopté cette formule en 1914 pour Il Tramonto, sur un texte de Shelley, ainsi que Vaughan Williams en 1908 dans On Wenlock Edge), puis son traitement musical des textes tend vers le dramatique. Ce côté théâtral est évident dans Donna lombarda où des personnages sont en interaction autour d’un narrateur et encore dans La prigioniera, où le premier Andante mosso berçant est interrompu par une danse exubérante sur les paroles “Suona violino, che voglio balà!” (Joue violon, je veux danser !), ainsi que dans le descriptivisme de La pesca dell’anello qui clôt le cycle.

Paul Mayes.

Les commentaires sont fermés.