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Françaix - Brahms piano et cordes

Chers amis mélomanes,

Dimanche 14 octobre à11h à l'Auditorium du Conservatoire de Lille, le second concert de la saison. Jean Françaix dont nous poursuivons la célébration du centenaire, et Brahms un grand classique, dans le quatuor op.60, moins souvent joué que le premier, opus 25. Chambre à part vous fait ainsi partager la prospection du répertoire.

Jean Françaix        Divertissement pour trio à cordes et piano  
Johannes Brahms  Quatuor pour piano et cordes n°3 op.60

Paulina Sawicka-Pollet  piano, Ken Sugita  violon, Paul Mayes  alto, Catherine Martin violoncelle

tarif 10€ le concert, tarif réduit 6€ pour les demandeurs d'emploi et 12-25 ans, abonnement Liberté 6 concerts/ 48€

réservations : lesamischambreapart@orange.fr ou +33 607 626 125

toute l'équipe de Chambre à part vous attend dimanche 14 octobre, retrouvons-nous autour d'un verre à la sortie pour échanger nos impressions et émotions avec les musiciens

lisez le programme d"taillé ci-dessous

prochain rendez-vous : dimanche 28 octobre à 16h au Palais des Beaux-Arts, voyez le programme de la saison en suivant ce lien : saison 2012-2013

Ambre Chapart

Programme Détaillé

Jean Françaix.jpg  “La musique doit chercher humblement à faire plaisir”. Cette phrase que l’on prête à Debussy et qu’il n’a vraisemblablement jamais prononcée, pourrait être la devise de Jean Françaix, tant son art dédaigne les méandres métaphysiques et la recherche expérimentale pour ne retenir que des qualités simplement humaines de l’art musical: un entrain populaire, charmeur ou ironique, parfois voilé de mélancolie ou attisé par une ironie mordante, qualités que l’on attribue en général à la musique française. Or, c’est en Allemagne qu’il connaît son premier grand succès de compositeur (avec son Concertino pour piano et orchestre), et qu’il trouve un éditeur et un public à sa mesure, ce que l’hexagone serait bien en peine de lui procurer aujourd’hui. Bien qu’il confesse en ressentir une certaine amertume cela ne l’a jamais détourné de ses principes, tout au long d’une oeuvre riche et variée, dépassant les 200 numéros et traitant tous les genres, tous impregnés de son esprit ludique. Et quand on lui demande d’où lui vient ce goût pour la légèreté et la grâce spontanée, il répond: “de Mozart”.
Jean Françaix fut lui aussi un jeune prodige qui reçut, encore enfant, les conseils de Ravel. Selon Arthur Hoérée: “son style a très peu évolué car il a assimilé rapidement tout ce qu’il avait besoin de savoir, et parce qu’il témoigne, avec une fraîcheur miraculeuse qui n’appartient qu’aux enfants, d’un goût inné pour l’invention”. Cette constance stylistique permet de dégager des “tics” d'écriture qui lui sont propres et qui signalent le grand artiste: tout d’abord, l’utilisation de thèmes goguenards piétinant sur quelques notes à la manière de refrains populaires de coupe toujours très régulière, parfois rehaussés d’effets de jazz; ensuite une grande verve rythmique qui se traduit encore plus souvent par une motorique obstinée néo-classique que par des déhanchements syncopés; puis une propension à l’incertitude modale, au mélange équivoque du majeur et du mineur ou d’autres modes allant jusqu’à la polytonalité; l’emploi de formules de carillons, gais ou graves, d’accords avec notes ajoutées, de mystérieux conduits médiévaux avec quintes à vide, procédés attestant un don de coloriste raffiné; enfin, et ce qui est plutôt rare dans la musique française, la préférence pour une écriture contrapuntique aussi minutieuse qu’élaborée.

Le Divertissement pour trio à cordes et orchestre compte parmi les œuvres majeures de Françaix. Créé le 22 décembre 1935 à Paris, aux Concerts Colonne, sous la direction de Paul Paray, avec en solistes les frères Pasquier, la transcription dans laquelle le piano à lui seul remplace tout l’orchestre, éditée en 1974, présente, de l’avis même du compositeur, de sérieux défis aux interprètes. L’œuvre s’inscrit historiquement dans une série très fournie de concerti grossi, genre revenu subitement sur le devant de la scène entre les deux guerres. Les trois parties de cordes exigent une très grande virtuosité et le registre aigu est très sollicité. Le découpage est classique, en quatre mouvements, avec le Scherzo à deux trios en deuxième position. On pourrait croire, en entendant les premières mesures de l’œuvre, à quelque exposition de fugue. En réalité, l’entrée des trois solistes apporte son lot de musique villageoise, dans laquelle on retrouve toutes les constantes du langage de Jean Françaix: cordes lyriques sèchement ponctuées par l’orchestre-piano, association de timbres recherchées dans lesquelles les pizzicati jouent un rôle important, mélodies brèves et carrées tournant autour de quelques notes, effets “jazzy”, et une très grande habileté à manier le contrepoint. Le Scherzo, à la mesure curieusement binaire, est constitué de petites phrases impertinentes tandis que le premier Trio exploite, en valse cette fois, l’ironie du mode “mijeur” (superposition majeur-mineur); ses dernières mesures, avant le retour du Scherzo, font entendre un carillon grave en quintes à vide, dont la couleur rappelle “La Carpe”, dernière mélodie du “Bestiaire” de Poulenc, écrite dans la même tonalité. Et c’est à un autre carillon, beaucoup plus joyeux et typique de la Douce France, que nous convie le second Trio. Dans l’Andante, très poétique, la polyphonie est soignée, la modalité équivoque à souhait (le morceau débute par un mi dièse dorien), les couleurs doucement changeantes et la thématique unitaire, Le Final est dans le style d’un moto perpetuo. On songe volontiers au Final du Quatuor opus 59 no 3 (précisément en ut majeur) de Beethoven, ainsi qu’à celui du Concerto en sol de Ravel, avec sa polytonalité à michemin entre néo-classicisme et jazz, Au centre, Jean Françaix a ménagé une plage de répit pour ses interprètes d’où l’orchestre (ici le piano) est totalement absent: c’est un moment de récapitulation cyclique des principaux motifs des mouvements précédents préparant la tornade finale, 144 mesures de doubles-croches ininterrompues!

Moins courante que celle du trio, la forme du quatuor avec piano avait connu ses lettres de noblesse avec Mozart et Schumann, mais elle s’apprêtait à être supplantée par le quintette, à la sonorité plus Johannes Brahms.jpgorchestrale. Outre son caractère encore nettement chambriste mais avec de nombreuses possibilités au niveau de la polyphonie et des timbres, cette formation flattait le goût de Brahms pour les antagonismes, dès lors que le piano entrait en jeu. Ainsi, les trois archets y participent de concert, faisant bloc ou fonctionnant par imitations sous le regard hautain et fortement individualisé du piano, d’où une écriture d’aspect concertant diamétralement opposée aux efforts du compositeur dans la voie du quatuor à cordes.
C’est pendant son séjour à la cour de Detmold de 1856 à 1862 que Brahms donna naissance à ses trois Quatuors pour piano et cordes. Ne parvenant pas à extraire de sa plume un quatuor à cordes en ut dièse mineur, il eut la bonne idée de réduire les violons à une seule partie, destinée à son ami Joseph Joachim, mais aussi d’y inclure sa propre participation au clavier. Néanmoins, il manquait à cette nouvelle rédaction (futur opus 60) un premier mouvement que sa passion pour Clara Schumann lui inspirera pendant l’été 1875. Cette réalisation tardive eut le mérite de suggérer à Brahms l’idée d’un cycle de trois quatuors dont les deux premiers (ainsi que la majeure partie de l’opus 60) furent élaborés simultanément entre janvier et octobre 1861.
Ces trois œuvres si dissemblables et si complémentaires sont diversement appréciées: le premier quatuor, op.25, avec ses effets extérieurs, ses ambiances bien définies et son Rondo alla zingarese, a toujours été le plus populaire et le plus facile d’accès. Schoenberg l’orchestra en 1937. En revanche, le climat pastoral et idyllique du Quatuor op. 26 a fait naître bien des malentendus sur le prétendu style “fleur bleue” du compositeur, et cela depuis que le critique Hanslick le jugea “sec et ennuyeux”. Quant au Quatuor op. 60, son contenu autobiographique lui permit d’être facilement admis malgré ses bizarreries tourmentées; au moment de sa publication, il l’accompagna d’une lettre ironique à son éditeur Simrock: “Vous pourriez orner le frontispice d’une tête avec un pistolet pointé dessus, ce qui donne une idée de son contenu. Pour cela je vous enverrai mon portrait”.
Ebauchée dès 1856, cette partition ne fut terminée qu’en 1875, vers la fin de l’été passé par Brahms à Ziegelhausen, non loin de Heidelberg. Le présent quatuor connut, en effet, plusieurs versions remaniées, notamment en 1861, alors qu’étaient en chantier les deux autres quatuors avec piano. En particulier, il semble que le Scherzo ait été le premier mouvement composé, tandis que l’Allegro initial le fut en dernier, pendant l’été de 1875. Il faut signaler aussi que la tonalité définitive d’ut mineur remplaça l’ut dièse mineur prévu à l’origine. Des trois quatuors avec piano, celui-ci n’est pas simplement le plus beau : œuvre-confession sans doute de sa passion désespérée pour Clara Schumann, il est le plus libre, s’évadant maintes fois des rigueurs classiques, guidé par la seule inspiration et par l’émotion du moment, mariant sans effort apparent la fougue juvénile et la complète maîtrise d’écriture d’un Brahms ayant seulement dépassé la quarantaine. La partition, publiée dès 1875, fut exécutée pour la première fois à Wiesbaden, devant le Landgraf et la princesse de Hesse (grands admirateurs du musicien), en février 1876, Brahms tenant la partie de piano.
Notons, par ailleurs, qu’en transposant l’opus 60 d’ut dièse à ut mineur, Brahms rendait hommage à la tonalité “tragique” de Beethoven, mais son influence s’avère ici assez limitée quoiqu’en ait dit le violoniste Hellmesberger, créateur des deux premiers opus en compagnie de Clara Schumann, qui proclama que Brahms était “l’héritier de Beethoven”.

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